Il était une fois une équipe qui s’était mis en tête d’enregistrer les sessions des dix finalistes du Prix Ricard S.A. Live Music en moins de neuf jours ; en roulant parfois plus de dix heures en une seule journée tout en s’alimentant à base de nourriture américaine et en récoltant l’eau de pluie par la fenêtre de la voiture pour gagner du temps. Arrivés à la sixième session avec Straybird à Bordeaux, ils vécurent une matinée rocambolesque et eurent beaucoup d’emm…



Il est parfois impossible de raconter en détails tout ce qui peut se passer dans une seule journée sur la route : imprévus, galères, choses inracontables, blagues atroces… On exerce souvent un droit d’autocensure salutaire car comme vous le savez, les véritables héros de notre série, ce sont les groupes. Une fois n’est pas coutume, et parce que notre périple touche presque à sa fin, voici le compte-rendu exhaustif d’une journée qui a très mal commencé. Extraits de notre carnet de (dé)route :
08H00 : Réveil à coups de massue après cinq courtes heures de sommeil. La veille nous avons rencontré Throw Me Off The Bridge à Laval, ce matin nous nous réveillons à Bordeaux. Premier café.

08H05 : Deuxième café.

09H30 : Rod Maurice et moi-même nous décidons, poussés par une énergie insoupçonnée pour deux zombies pas vraiment matinaux, à partir en quête d’une boutique de jeux-vidéo (pour Rod) et d’un disquaire (pour moi). « Vous avez une heure » prévient le boss Clément, « déconnez pas on a rendez-vous avec Straybird à 10H45 dans une galerie d’art ». Mais non, t’inquiète.
09H45 : Commande d’un Taxi pour rejoindre le centre-ville. Dehors, c’est la tempête, ambiance fin du monde. Nous rampons jusqu’au taxi. Je crois que le chauffeur hésite à appeler le SAMU.

10H10 : Arrivée au premier magasin de jeux-vidéo, timing parfait. Au pas de course, nous en faisons un deuxième ; Rod est content, il a trouvé deux jeux. Une vanne sur les blister japonais plus loin, nous voilà devant le disquaire Total Heaven (la bible du vinyle à Bordeaux), fermé.
10H25 : Toujours devant le disquaire Total Heaven, fermé. Coup d’œil à la montre, nous sommes en retard.
10H26 : Maintenant c’est coup d’œil à Google Maps, nous sommes à 8km du point de rendez-vous avec Straybird.
10H27 : Maintenant c’est coup d’œil au ciel, c’est le déluge. Début d’une course contre la montre sous la pluie pour être à l’heure au point de rendez-vous. Sur notre route, un tram miraculeux qui doit nous permettre de rester professionnel en évitant d’être à la bourre. La machine à ticket n’en sort qu’un, nous sommes deux, pas grave, on tente notre chance. « On n’a que 7 arrêts, ce serait vraiment pas de bol de se faire contrôler, ah ah ah ». Ah ah ah.
10H40 : Une armée de contrôleurs monte dans le tram.
10H41 : Aidé par notre voisin fraudeur qui se fait mettre à l’amende, nous descendons du tram en évitant la prune. On rigole comme des imbéciles. Mince : on est encore à 20 minutes de marche du point de rendez-vous. La pluie redouble d’intensité. Là c’est même plus une tournée, c’est Man Vs Wild mixé avec Pekin Express. Rod commence à mourir de l’intérieur, mon pare-brise (mes lunettes) affiche un degré de visibilité proche du zéro.

11H10 : Arrivée sur place, aux Vivres de l’art, un centre artistique en périphérie bordelaise où nous trouvons des sculptures comportant la mention « ne pas toucher, ne pas monter dedans ». Rod essore ses cheveux comme une serviette. « Mais non, t’inquiète, je suis pas en train de te filmer… »

Une vidéo publiée par @bester_thomas le

11H15 : Nous retrouvons enfin notre ingénieur du son Romain. Fait très rare, il a la gueule des mauvais jours. « Je me suis couché à 5H du matin pour mixer la session de Throw Me Off The Bridge ». Ravi de voir qu’on n’est pas les seuls à avoir passé une nuit cauchemardesque. Au passage d’un camion, Rod reçoit une énorme flaque d’eau sur les jambes. Cette journée, c’est un sketch.

11H20 : Découverte du lieu choisi par Laetitia de Straybird pour sa session, une énorme bâtisse de type médiéval où crépite un feu de cheminée à côté d’un improbable aquarium suspendu. Rire nerveux. « Mais où il est Clément ? ». Il vient de repartir en camion avec Laetitia, qui a oublié son laptop (essentiel pour la session). Re-rire nerveux.

11H30 : Je découvre que la moitié de mon article écrit le matin même à propos de Throw Me Off The Bridge a disparu. Réécriture express pendant les balances de Straybird, armée de ses quelques machines pour une session René Brisach qui s’annonce, comme cette journée, atypique. « Ta musique c’est un peu sampleur et sans reproches, non ? ». C’est ma première blague de la journée. On aura du mal à faire mieux (ou pire, c’est selon).

12H30 : Fin de la session avec Laetitia, interview en boite. Tout le monde est heureux. Impression d’avoir déjà vécu deux journées en une. « Allez allez on remballe, maintenant c’est direction La Rochelle (2H de route) pour rencontrer Sarraco à la Sirène (l’une des plus belles salles de concert française, NDR) ». Un dernier Snapchat stupide avant de se quitter et… voilà, c’est reparti pour un tour.

 

Voilà, le récit d’aujourd’hui s’arrête là, avec l’impression d’être déjà hors forfait et d’avoir 1000 ans. On se retrouve juste après la coupure pub pour un nouvel épisode où il sera question de notre fin de journée avec Sarraco

 

[Bonus] 23H30 : « Hey les mecs, vous voulez rire ? Je crois que j’ai perdu la bande interview de Straybird ! ». Certaines journées sont clairement maudites. Et pour être honnête, ce sont vraiment les meilleures.


TROIS QUESTIONS EXPRESS À STRAYBIRD


Quelles sont les raisons qui t’ont donné envie de participer au Prix Ricard S.A. Live Music ?

Straybird : J’avais déjà entendu parlé de Ricard S.A Live Music surtout pour les concerts et un petit peu du Prix aussi, cela tombait pour moi au bon moment. Surtout pour l’aspect tournée et live et la possibilité de travailler mon projet en résidence.

Beaucoup des groupes finalistes te citent comme l’un des finalistes qu’ils ont préféré. Etais-tu au courant ? Quant à toi, y’en a-t-il qui ont retenu ton attention ?

Straybird : Oui j’ai vu ça ! Ça m’a d’ailleurs beaucoup surpris, car honnêtement je ne m’attendais même pas à faire parti des dix finalistes… Ceux que j’apprécie sont essentiellement les groupes que je connaissais déjà, et avec qui j’avais déjà joué, à savoir Haje – avec qui j’étais à la fac – et Amoure. Il y a même eu une période où je me réveillais avec l’un de leurs morceaux en tête !

Pour finir, la question fatidique : quel est ton argument choc pour séduire le jury ? Qu’est-ce qui fait la force de Straybird ?

Straybird : Le fait que je sois une fille et que ma musique [elle montre les lumières installées sur la session] soit lumineuse, ah ah ah ! Plus sérieusement, on pourrait dire que l’originalité de ma musique est venue d’un déclic en commençant à travailler à la fac avec Fakear. Jusque-là, j’avais plutôt une éducation classique car je suis passé par le Conservatoire. C’est en travaillant avec lui que j’ai compris que je pouvais concentrer toutes mes envies, mes influences, dans une petite machine. Pour la suite, j’ai vraiment envie de mettre plus en avant ma propre voix, pour me démarquer et apporter quelque chose.

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Photo : Rod Maurice