Course poursuite sur l’autoroute, street fighting à travers les rues de Rennes et fin de soirée dans un célèbre bar japonais, c’était le programme de notre dixième et dernière journée sur la route. Récit d’une journée qui n’a… pas existé. Enfin, pas comme ça.

Photo : Rod Maurice
Photo : Rod Maurice

Excusez ce départ sur les chapeaux de roue, mais après dix jours les pieds coincés dans un van et les mains scotchées sur le clavier à raconter nos péripéties quotidiennes, on finit par ne plus savoir où l’on habite. Remarquez, pendant cette dernière journée, on a tout de même eu notre dose. Tout a débuté par le plus long voyage de l’histoire des voyages avec un voisin de bord (Rod Maurice, who else ?) au débit mitraillette, du genre capable de vous saturer l’esprit comme un fumeur de cigare dans un ascenseur.

Après environ 3000km, neuf sessions et interviews des finalistes, la fatigue commence à se faire sentir. Fatalement, arrivé à la mi-journée, le vernis commence à craquer et Dieu merci, aucun de nous ne possède les codes de la valise nucléaire.



Pour cette dixième et dernière session, nous avons rendez-vous avec le groupe morbihannais de Fuzeta à l’Ubu de Rennes, la salle emblématique de la capitale bretonne. A notre arrivée à 14H30, le groupe est déjà sur scène pour un concert, et pas pour n’importe qui… au premier rang, on distingue des petits visages éclairés par la lumière. Au bar, personne n’est accoudé pendant le concert à parler aussi fort que le chanteur et dans la fosse, pas de type qui vous emmerde avec son téléphone en tentant de prendre des photos floues. Tout le monde semble connaître les paroles par cœur et entre chaque morceau, c’est un tonnerre d’applaudissements et de cris féminins dignes d’un concert des Beatles à la grande époque. Mais qui sont ces gens ?! Eh bien ce sont simplement des enfants. Autrement dit le public parfait. « Fuzeta ça parle de nous quatre, de notre enfance » lance le chanteur à la foule (7 ans d’âge en moyenne), « et le prochain morceau parle de notre grand-mère. Vous avez tous une grand-mère ? ». On entend des « oui ! », on entend des « non ! », et la fin du concert de Fuzeta se conclut par un « une autre ! Une autre ! » qui ridiculise tous les rappels de concerts indie où les groupes reviennent souvent sur scène quand on ne leur a rien demandé. Bref. En dépit du 0° affiché à l’extérieur, cette dernière journée s’annonce vraiment exotique.

Photo : Rod Maurice
Photo : Rod Maurice

Même l’histoire de Fuzeta semble atypique. Lancé voilà à peine un an grâce au soutien du Manège [la salle des musiques actuelles de Lorient], Fuzeta c’est quatre musiciens sur scène, dont 3 frangins. « Un peu comme les 3T… » leur ferai-je remarquer plus tard. Comme faire une référence aux neveux de Michael Jackson fait un peu désordre après ce concert pour enfants (vous voyez où je veux en venir ?), on passe à autre chose. Quoi qu’il en soit, beaucoup des gamins présents cet après-midi se souviendront plus tard de Fuzeta comme de leur tout premier concert. « Nous à l’époque on nous emmenait voir Antigone… » soupire l’un des membres du groupe. Nettement moins funky. N’empêche que la force du groupe, en dépit de sa courte existence, c’est son expérience, double d’une volonté d’épuration. « C’est un parti-pris d’avoir des guitares pourries » dit le groupe, « on vient plutôt du stoner mais maintenant on préfère jouer volontairement sur des instruments rudimentaires ». Deux des trois frères ont débuté la musique en duo dès 2003 et ça se ressent dans la capacité du groupe à tenir la scène. « Maintenant ça fait un an qu’on peaufine l’univers de Fuzeta, on a préféré attendre pour être sûr d’être prêt ». Ont-ils des jobs à coté, en attendant la gloire ? Affirmatif. Le premier est surveillant dans un collège. Le deuxième l’a été pendant 7 ans, le troisième a repris une formation de maitre-nageur. Et le dernier a aussi été… (roulement de tambours) surveillant dans un lycée ! Ma parole c’est plus un groupe de rock, c’est un groupe de pions ! Mais qu’on ne s’y trompe pas, Fuzeta est prêt à croquer la pomme du succès à pleines dents. Un premier EP est prévu pour avril prochain. Mais le groupe a-t-il, comme on dit chez moi, du bifteck au frigo ? Bon, comme j’en vois qui tiquent, on reformule : le groupe a-t-il encore des chansons inédites en stock ? Affirmatif. D’ailleurs le morceau choisi pour la session se nomme Sunset. Une belle comptine rock au parfum chanson au coin du feu qu’ils joueront finalement sur scène, sans enfants dans la salle mais avec Rod Maurice en réalisateur de la taille d’un grand lutin. Disons que ça compte double.

Pour nous, la journée se conclut avec un verre de l’amitié, non seulement avec le groupe, mais aussi avec la figure locale, Jean-Louis Brossard, patron de l’Ubu et des Transmusicales de Rennes. A ce stade, après 10 jours sur la route et plutôt que de vous livrer une conclusion toute faite manière « c’était super cette année, rendez-vous l’année prochaine ! », voici à la manière des livres dont on est le héros une fin à choix multiples :

1. Nous avons terminé cette dixième journée en claquant tout l’argent du prix au Bukkake Udon, un resto japonais de Rennes. Où nous avons d’ailleurs décidé d’ouvrir un centre d’équitation pour Rod (les lecteurs des précédents comptes-rendus comprendront).

2. Tout s’est bien terminé, chacun est rentré chez lui sauf… Rod, qui comme l’année dernière a paumé toutes ses affaires (rush des sessions et photos compris) dans le train qui le ramenait à Saint Malo.

3. Le voyage du retour sur Paris, dans la nuit, fut l’occasion d’un long conciliabule façon élection papale avec fumée blanche et tout le tintouin pour déterminer la meilleure méthode d’élection du lauréat 2015. D’ailleurs voici le nom du gagnant, c’est… (NAN MAIS VOUS CROYEZ QUAND MÊME PAS QUE JE VAIS VOUS LE DIRE ?)

4. Exténué, tous les membres de la team sont rentrés chez eux tard dans la nuit après avoir rangé les 50 kilos de matériel. Et puis votre serviteur, à plat et avec tous les membres congelés, s’est finalement évanoui sur son lit en n’oubliant pas de programmer un réveil à 6h00 du matin pour écrire le papier que vous êtes en train de lire.

Bon, il se peut également que cela soit tout ça à la fois. Rendez-vous le 11 février pour connaître le fin mot de cette histoire, et accessoirement découvrir le grand gagnant de cette nouvelle édition du Prix Ricard S.A. Live. Et d’ici là, depuis notre van reconverti en Air Force One, on vous remercie pour votre enthousiasme sur ces dix derniers jours passés ensemble !

Le bureau mobile de la team RLM ! Photo : Rod Maurice
Le bureau mobile de la team RLM ! Photo : Rod Maurice

Trois questions à Fuzeta


Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous inscrire au Prix Ricard S.A. Live Music ?

Le groupe : On connaissait déjà le Prix par des potes qui s’étaient inscrits l’année passée. Comme on est dans une démarche de professionnalisation, pour nous c’est le prix le plus complet, le plus abouti, pour un groupe qui veut progresser. Comme on prépare actuellement la sortie de notre premier EP, avoir le bon attaché de presse, la bonne promo, le bon impact, ça veut dire une bonne exposition, et une belle rencontre avec le public. En gros en gagnant le Prix, tu as la puissance de feu d’un label, mais sans les inconvénients.

Parmi la liste des dix finalistes du Prix, avez-vous eu un coup de cœur ?

Le groupe : Il y en a deux, oui. D’une part Monterosso pour la voix lead féminine – la seule parmi les dix finalistes, avec un morceau hyper catchy. Et I Me Mine, qu’on avait découvert sur scène aux Transmusicales ; ce sont des bons musiciens.

Sans modestie mal placée, c’est l’instant mégalomaniaque : quel est votre argument choc pour séduire le jury ?

Le groupe : La simplicité. Dans nos anciens groupes c’était beaucoup de posture, avec de la disto et du fuzz, bref c’était beaucoup plus stoner. Tout ça on a viré, maintenant nos guitares c’est des guitares à 100 balles qui sonnent pas, ça te force à te foutre à poil dans tes chansons.