« Il est venu le temps des cathédraaaaaaales… ». Bon, je vous fais l’impasse sur la suite de ce refrain criminel. Ce qu’il faut retenir de l’avant-dernière journée de notre tournée avec les finalistes du Prix, c’est qu’on avait rendez-vous avec les franciliens de Balinger pour une session dans un temple d’Argenteuil. Récit d’une après-midi garantie sans comédie musicale.

Aujourd’hui le bossu se nomme – encore une fois – Rod et son drame, c’est un sac de 32 kilos qu’il peine à hisser dans notre van. On le regarde d’abord amusés sans trop comprendre ses grognements, quand soudain une petite voix souffreteuse se fait entendre : « aidez-moi les copains, ce sont tous les jeux vidéos que j’ai achetés depuis une semaine, ça vaut une fortune et c’est fragile ! ». Poids des mots, choc des photos, et parce que chez Ricard S.A. Live Music on ne rate pas une occasion de s’humilier publiquement, voici donc comment a débuté notre journée:

Le van enfin chargé, direction le Val d’Oise pour cette avant-dernière session décisive avec un groupe pas vraiment inconnu des services de police : Balinger. Un groupe qui se définit comme « la réponse française à Grizzly Bear et aux Walkmens », et qui surtout a déjà participé au Prix en 2013 en ratant la première marche de peu. Pas mauvais perdants, et forts de deux années à peaufiner leurs morceaux, ils nous ont aujourd’hui dégotté une petite église protestante qui ne servira pas à prier pour la santé mentale de certains membres du jury – encore que, cf. le paragraphe ci-dessus – mais permettra à Balinger de bénéficier d’un cadre atypique, et d’une acoustique première classe. Alors que la messe vient de se terminer, le guitariste Thomas confie que le groupe est d’abord un collectif sans leader, mais surtout que face à la qualité des sessions réalisées cette année, ils ont été obligés de revoir leur morceau de fond en comble. D’abord prévu pour être joué acoustique, Before I go sera donc finalement électrique, à l’image des nouveaux morceaux du groupe. On ne sait pas si ça ramènera Jésus Christ parmi les siens, mais aussi sûr que les voies du seigneur sont impénétrables, en voilà quatre qui s’apprêtent à foutre un boucan de tous les diables.

Balinger par Rod Maurice
Balinger par Rod Maurice

Rassuré par le fait que les balances n’ont pas alerté tout le voisinage, les membres de Balinger envoient la purée non sans avoir confié que leurs références communes vont de Radiohead à At The Drive-In en passant par Elliott Smith. A l’écoute de Before I Go, et de sa structure complexe, on ne peut pas s’empêcher pourtant de penser à un groupe prog comme King Crimson, voire même à Explosion in the Sky. Entre deux prises, séquence confession intime : Rod évoque ce malencontreux souvenir d’une précédente rencontre avec le groupe lors d’une session en Bretagne, pendant laquelle Jim, le chanteur, avait eu quelques difficultés à digérer une pizza mangée la veille… Là encore, je vous fais l’impasse sur les détails – ça parle de vomi pour les curieux. Aujourd’hui, hormis une modeste panne de piles et un froid glacial, peu de risques que le groupe retapisse la chapelle au coulis de tomate.Après quatre prises et un peu de sueur, Before I go est en boite, et nous dans le van.

Photo : Rod Maurice
Photo : Rod Maurice

En faisant le compte, c’est déjà la neuvième session, plus qu’une demain avec Fuzeta à Rennes, et c’en sera fini de cette tournée 2015. Avant-derniers sur la liste des groupes à sessionner, les garçons de Balinger seront-ils cette fois, et comme dans la chanson de Céline Dion, les premiers ? On vous laisse allumer un cierge d’ici à l’annonce du lauréat le 11 février.


Trois questions à Balinger


Le groupe : Déjà les conditions [du Prix] qui ont changé, entre autre. Et puis cela nous avait beaucoup apporté la première année où l’on avait participé, de la visibilité notamment. Et puis au final, on s’est quand même retrouvé à jouer au festival du Rock dans Tous ses Etats à Evreux, ou à la Flèche d’or à Paris. Depuis 2013, on a beaucoup travaillé, notamment sur un disque qu’on prépare, avec des morceaux qu’on a pris le temps de peaufiner, et devraient être un peu plus « rock ». Et un peu plus atmosphériques. Nous, ce qui nous plait cette année dans les choses proposées par le Prix, c’est la liberté offerte autour de la production de l’EP. Et puis il y a aussi de l’accompagnement pour les clips, etc. C’est un véritable encadrement de label mais sans être un label, c’est très chouette.

Parmi la liste des dix finalistes du Prix, avez-vous eu un coup de cœur ?

Le groupe : Il faut déjà savoir qu’on est devenus très potes avec In The Canopy, un autre groupe finaliste du Prix en 2013. Cette année, notre coup de cœur ça serait Fuzeta. On n’a jamais joué avec eux mais comme avec In The Canopy, on les a découverts grâce au Prix.

Sans modestie mal placée, c’est l’instant mégalomaniaque : quel est votre argument choc pour séduire le jury ?

Le groupe : Sans avoir vu tous les autres groupes en live, notre point fort ce sont les concerts. On n’est pas le genre de groupe qui fait toute sa musique sur ordinateur et qui doit tout réadapter pour le live après. Et l’autre caractéristique du groupe, c’est le travail sur la longueur ; à force de bosser, et d’humainement mieux se connaître, on arrive précisément à savoir où on veut aller.