Mermonte : chronique du nouvel album d’un des lauréats du Fair 2014

Chronique

En septembre 2013, lorsque nous avions publié en exclusivité la liste des lauréats du Fair 2014, nous n’avions pas caché notre joie de voir y figurer les  Rennais de Mermonte et leur post-rock ambitieux. Huit mois plus tard, le groupe publie Audiorama, son second album, un disque qui donne raison à tous ceux qui avaient cru en lui !

C’est l’histoire d’un type qui fait de la musique dans sa chambre, seul dans son coin, avec son ordinateur, sa guitare, des percussions et un micro. Ses proches l’encouragent, lui disent qu’il devrait jouer ses morceaux en live. Alors il se lance et, persuadé que sa musique ne sortira jamais de sa petite ville, il prend, en écho au succès dont il restera écarté, le patronyme d’un jazzman décédé que la reconnaissance aura également soigneusement évité. Quelques années plus tard, après un premier disque déjà pertinent, le voilà  qui se retrouve à publier un ambitieux album de post-rock, peut-être un des meilleurs dans le genre entendu en France ces dernières années. Et comme s’il avait conjuré le mauvais sort, tout porte à croire que son nom marquera finalement bien les esprits. Ce type, c’est Ghislain Fracapane et son projet se nomme Mermonte, en hommage à Gustave Mermonte (pianiste de jazz français des années 50/60 qui a joué avec Miles et Coltrane).

Audiorama, le second album en question, propose un son à la fois lointain et proche, où la personnalité du groupe s’étoffe au point que l’on devienne capable de reconnaître sa pâte à tous les coups. Toujours à géométrie variable, Mermonte tourne aujourd’hui avec une dizaine de musiciens, permettant le recours à un spectre d’instruments encore plus large où l’on retrouve désormais clarinettes, flûtes, vibraphone, cordes et cuivres. Pour résumer, les morceaux continuent de générer le plaisir d’écoute de titres comme Grain sur le premier album, mais offrent simultanément une nouvelle complexité, s’ornant d’arrangements fouillés, pour un résultat « plus » à tous les niveaux : plus exigeant, plus énergique, plus intéressant.

Mermonte y défend ainsi un goût pour les mélodies et les arrangements fouillés qui coulent pourtant de source. Les rythmiques se superposent, tout se compose et se décompose, et on n’arrive plus à décompter les influences du groupe. C’est assez flagrant sur Gaetan Heuzé où deux batteries se superposent, une caisse claire quasi punk d’un côté, des rythmiques jazzy de l’autre. Cerise sur le gâteau, dans sa capacité à faire décoller les morceaux de manière chevaleresque, Mermonte rappelle aussi bien la fraîcheur d’Arcade Fire que celle de l’indie canadien en général (Karkwa sur Fanny Giroud par exemple).

Audiorama est ainsi un très grand disque. Riche, profond et varié qui en appelle au fameux Music for 18 Musicians de Steve Reich. Autant vous dire que ça n’arrive pas tous les jours :

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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