GAROROCK 2016 – Jour 4

Festival

Garorock, clap de fin. Un dernier jour placé sous le signe de l’éclectisme, débutant par la violence extrême de Vald, se terminant par la brutalité extrême de Mass Hysteria. Pis entre les deux, du sublime, de l’imposture, et de chouettes surprises. Je te raconte tout, sans filtre, sans concession.

 

Tout débute par une entrée difficile : il semblerait que tout le monde ait décidé de rentrer en même temps. Du coup, à 17h, plusieurs milliers de personnes, telle la horde de zombies durant l’arc Alexandria dans The Walking Dead, s’amassait pour entrer. En fonction de la couleur de son badge, la marge d’attente oscillait entre 2mn et une heure. Dotés d’un badge jaune VIP, l’attente fut très courte. Et à peine arrivés, on s’est pris la violence quasi insoutenable de Vald. Tu sais Vald, j’en avais dit beaucoup de bien ici même lors d’une journée passée au Printemps de Bourges. Et je dois t’avouer que si je suis toujours autant subjugué par la connivence quasi sectaire entre lui et son public, niveau lyrics, j’avoue avoir tiqué sur les paroles. You know what I mean. Quand c’est trop, c’est trop.

Reste que malgré tout, sa présence sur scène impose le respect. Peut-être qu’un jour, Vald grandira et se rendra compte de la portée de ses textes sur des kids, son cœur de cible. Du coup, afin d’éviter d’être outré dès les premières minutes du festival, rien de tel qu’un bon stand thaï accompagné d’une crêpe au sucre pour repartir vers de nouvelles aventures musicales.

On a volontairement zappé Caravan Palace, puisque le quota tagada tsouin tsouin était déjà atteint le jour précédent avec Deluxe. On se retrouve devant un Trec blindé comme jamais, et la raison est simple : dans quelques minutes va se produire sur scène un tandem annoncé comme ouf guedin de sa tête. Composé de JoeyStarr et Nathy Boss, Caribbean Dandee fout le feu en quelques minutes. L’aura des deux mecs y est pour quelque chose. Mais il ne faut pas se voiler la face. Ce feat. ressemble davantage à une blague bien huilée qu’à un véritable nouveau challenge pour les deux rappeurs. Maintenant oui, les mecs sur scène envoient du bois. Mais avec de super bonnes paroles, ça aurait été parfait – on parle quand même d’un mec qui a bousculé le rap dans les années 90, un titan des verbes acérés (un héritage impossible à se défaire, donc une attente démesurée) – et forcément, on attend d’un monstre légendaire autre chose qu’une choré kitsch et des propos qui pourraient faire passer Emmanuel Moire pour du Nietzche.

Caribbean Dandee / Photo : Rod Maurice

Je te vois venir. Tu crois qu’aucun groupe ne va trouver grâce à mes yeux ? Je t’avoue, au départ, je ne suis pas très rap et hip hop … mais tu vois, Keny Arkana, Oxmo Puccino, je surkiffe. Tu vas me dire que c’est pas du rap burné, que le rap c’est forcément des paroles violentes, et blabla … bah voilà : blabla. Et pour en revenir à cette histoire d’être un vieux con aigri blasé qui ne va rien aimer, détrompe-toi : cette journée ensoleillée fut davantage illuminée par la présence extraordinaire du crooner Charles Bradley. Aka la musique aux airs d’antan qui sonnent comme une ode à la vie. Car c’est bien de ça dont il est question : Charles Bradley respire l’homme meurtri qui a su trouver la foi, et qui la prône à travers le moindre de ses gestes, de ses sourires salvateurs et de son regard bienveillant. Bien évidemment, on parle ici d’une musique savoureuse, délicieuse, sans fioriture. On parle d’une voix éraillée et pourtant si raffinée, précise, sincère. On n’est pas loin d’un esprit Motown dans la démarche … et franchement, ce fut l’un des moments les plus forts émotionnellement parlant.

Charles Bradley / Photo : Rod Maurice
Charles Bradley / Photo : Rod Maurice

Enchaînement sans transition avec les australiens de Jagwar Ma à la scène du Trec (qui, je ne le cesserai de le répéter, fut à mon sens, la meilleure scène tant niveau programmation que taille, un peu comme la Warzone au Hellfest). De la pop, de l’électro, des postures en veux-tu en voilà, des regards de lover, plein de midinettes au premier rang, et tu obtiens un live sympa, oubliable très rapidement. Mais ne soyons pas si rudes avec ces sympathiques jeunes gens. Attendons cette année pour voir si leur 2e album pourra épauler davantage Howlin’ (leur premier album très « Tsugi spirit » sorti il y a 3 ans).

Jagwar Ma / Photo : Rod Maurice
Jagwar Ma / Photo : Rod Maurice

Retour au hip-hop avec 2 légendes américaines sur la scène Garonne : Method Man & Redman. Wu-Tang-Clan d’un côté, collaborateur de Pink ou Gorillaz de l’autre. On joue dans la cour des grands, et même si le show a eu un mal fou à démarrer (pour des problèmes de son comme seuls les Américains pointilleux arrivent à percevoir), et même si le duo tonitruant avait visiblement pour but de déverser des centaines de litres d’eau en guise de jeu de scène, une fois dans la place, c’est la guerre. La vraie. Des milliers de gamins, serrés comme des sardines, hurlent, sautent, et ça devient un peu n’importe quoi. On est prévenu d’office, il n’y a pas de nouveau stuff, pas vraiment de nouveau merchandising, pas de nouveau CD … le placement produit est impeccable. Et tout finira par un saut de l’ange Tortue Ninja dans le public. Le plus rock des concerts hip-hop. Forcément, les prestations pourtant énergiques de Vald et JoeyStarr face à ces monstres sacrés du genre, faisaient après coup penser un peu à un épisode de Chapi Chapo.

Redman / Photo : Rod Maurice
Redman / Photo : Rod Maurice

Au tout début de cet article, je te parlais d’imposture. Peut-être avais-tu cru que je faisais allusion à JoeyStarr. Mais non. La vraie déception du jour – d’autant plus que j’avais adoré à la Route du Rock 2015 – répond au doux patronyme de Savages. 4 femmes, un simili post rock assez monotone, des postures dignes des pires groupes glam de l’histoire des groupes glam (à toi de choisir, W.A.S.P. étant à mon sens, à ce jour, champion imbattable), des faux regards lover-agressifs-félins-faitchier et en 4 chansons, t’as déjà envie de mettre des écouteurs et te prendre du Juliette Lewis dans les tympans (quitte à choisir dans la posture, autant prendre une vraie actrice qui envoie du paté sur scène). J’avoue ne pas comprendre l’engouement contagieux autour de ce quatuor. Peut-être que des groupes 100% femmes qui font du rock ça fait rêver. Mais dans ce cas là, on a ce qu’il faut avec Katel, bien plus rock sur toute la ligne (et avec un charisme pas acheté chez Célio). Dommage, vraiment. Je déteste être déçu par un truc que j’ai cru aimer. Mais voilà : j’ai cru aimer. C’était pour de faux.

Savages / Photo : Rod Maurice
Savages / Photo : Rod Maurice

Le match de ping pong entre les grandes scènes et le Trec se poursuit, de manière quasi robotisée, et là mon copain, on s’est pris une belle claque dans la gueule. Perso, j’ai adoré immédiatement, et je reconnais également qu’il y a un truc. Le trio sud américain Yelawolf, emmené par le très sexy sexuel Michael Wayne (Michael Keaton a interprété Bruce Wayne. Coïncidence ? Je ne crois pas), maître du monde inconstesté des postures rock les plus badass du monde, tatoué comme les méchants dans les films de John Woo. Sa musique ne ressemble à rien tellement elle est imprégnée de tout ce qui peut exister en style musicale sur cette planète. Entre des intros quasi country au bottleneck,des beats jungle / drum n bass, en passant par des tempi indus’, des cris rock et des performances hip-hop se transformant très vite en ragga … Yelawolf n’est pas un groupe. C’est une expérience multi-sensorielle, dont il est impossible de deviner 8 mesures à l’avance de quoi sera fait le prochain couplet / refrain. Franchement, groupie totale je suis. C’est la magie des festivals. Ne s’attendre à rien, et avoir des coups de foudre <3

YelaWolf / Photo : Rod Maurice
YelaWolf / Photo : Rod Maurice

Madame ?
YEAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHH

Mademoiselle ?
YEAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH

Môssieur ?
YEEEEEEEEEAHHHHHHHHHHHH (en mode voix phacochère du Gévaudan sauce Hellfest).

Ceux qui les connaissent comprendront la référence. Pour les autres, c’est The Hives. Groupe suédois, le deuxième meilleur groupe de scène du monde (détrôné par un autre groupe suédois, que s’appellerio Refused). C’est du rock basique, sans concession, top paillette, top nawak, top poses LOL, top interludes aussi charmantes que touchantes. C’est du rock efficace qui ne dépasse jamais 3 minutes par morceau, qui ne s’embête pas avec des bridges ou des soli … non ici c’est c’est du riff qui tâche, de la batterie martelant, et un front man TOTALEMENT fou. Au fil des ans, aucun musicien ne semble avoir changé d’apparence (sauf pour la pousse des cheveux de Howlin’ Pelle Almqvist) … dès lors, on a vraiment l’impression de voir le même live parfait depuis plus de 10 ans. Etant fan depuis 2007, difficile pour moi de trouver des défauts – même si le côté spectacle bien huilé a une tendance folle à m’agacer, mais vu que je les croise une fois tous les 2/3 ans, je passe outre. C’est tellement pensé pour que le public en prenne plein la tronche qu’il n’y a rien à jeter. Ils offrent un show fait de bonds, de guitares volantes, de refrains fédérateurs. « La France, je t’aime » … mais nous aussi, bordel.

The Hives / Photo : Rod Maurice
The Hives / Photo : Rod Maurice

Forcément, avec autant d’acouphènes dans les tympans, difficile ensuite de retrouver toute partialité quand Disclosure intervient sur la scène de la Plaine … c’est beau, léché, bien foutu … mais tellement vide d’âme. C’est juste beau. Et le beau, ce n’est parfois pas suffisant pour que ce soit bien. J’dis ça, mais niveau public, c’était un état de transe généralisé.

Photo : Rod Maurice
Disclosure / Photo : Rod Maurice

A la recherche de sensations fortes, je me défais de cette electro plate pour déguster sévèrement avec Mass Hysteria, histoire de boucler la boucle (tu sais, début de violence avec Vald, fin de violence avec Mass). Et le moindre que l’on puisse dire, c’est que Mass Hysteria, c’est vraiment, vraiment, vraiment phénoménal, lalala la la laaaaaaa … des riffs monstrueux, un son monstrueux, une voix monstrueuse, des paroles enragées, engagées (même si parfois ça sent un peu le démago, mais on s’en tape… avec des interludes savoureux comme, au Hellfest il y a deux semaines: « politiciens véreux : enculés ! » mais là, c’était juste extraordinaire).

Mass Hysteria / Photo : Rod  Maurice
Mass Hysteria / Photo : Rod Maurice

Il est déjà temps de partir. Au final, un périple digne de Sam et Frodon. Quelques petits couacs minimes ci et là (notamment la gestion des entrées / sorties), de très très belles surprises, quelques déceptions / non confirmations. Et surtout, un public vraiment fou, vraiment drôle, savourant de mille et une manières « SON » festival (big up à tous ceux qui ne sont jamais sortis du camping). Si on peut revenir l’année prochaine, ça sera avec plaisir. Fatigués, mais heureux.

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Photo : Rod Maurice

Veni Vidi Vici.

 

À propos de l'auteur :
Rod

Fondateur du site du Hiboo reconnu pour la qualité de ses sessions acoustiques filmées, Rod est non seulement l'un des photographes / vidéastes de référence dans l'hexagone, mais aussi le Martin Scorsese des sessions Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2010.

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