Les Francofolies de la Rochelle, jour #3

Live report

Chaleur étouffante, gambettes à l’air, appareil photo sur l’épaule et course traditionnelle pour aller voir un max de concert. Au programme, Mathias Malzieu qui fait jouir une chapelle, un Saez virulent, un Biolay qui fête sa première fois et beaucoup d’autres belles choses !

On garde le même code couleur : rouge pour la Blonde et du bleu pour Swann.

 

Gael Faure

Avec Elephant, Gael est l’autre artiste du chantier omniprésent sur l’édition 2013 des Francofolies de la Rochelle. Après un showcase à Verdière, samedi, il joue ce matin dans la Chapelle Fromentin dans le cadre des Folies Matinales. Cette omniprésence a une raison : il fait partie des gros coups de cœurs du festival. Normal, on a envie de dire : Gael Faure est un talent brut. Une personnalité attachante et une voix délicate et suave à la fois. Sur des compositions folk et romantiques, ils posent des textes qui parlent d’absence, de voyage, d’amour. Il avait déjà séduit son monde avec son premier titre « On dirait l’islande », le charme opère aussi avec les autres titres « A la tienne » ou les tous nouveaux titres inédits comme « Traverser l’hiver ». A en juger les applaudissements chauds du public, il a aussi craqué pour l’artiste. 

 

Mathias Malzieu

Mathias Malzieu, le charismatique chanteur de Dionysos est aussi écrivain. Il a sorti cette année,un nouveau roman « Le plus petit baiser jamais recensé » relatant les aventures d’un détective dépressif qui tombe amoureux d’une fille qui disparaît quand on l’embrasse.

On y retrouve le monde imaginaire de Mathias riche en métaphores à caractère gastronomique qui font écho au support innovant auquel il a associé la publication de son livre : des chocolats créés exprès pour l’occasion qui ont pour mission de permettre d’embrasser à distance (si !). Ruse inventée par le « héros » de son histoire pour pouvoir étreindre sa belle sans la voir se volatiliser, Mathias a matérialisé son rêve et le fait partager à ceux qui le suivent.

Hier matin dans la chapelle Fromentin, était organisée une lecture musicale au cours de laquelle Mathias Malzieu, accompagné d’un pianiste et d’un joueur de thérémine, a lu des morceaux choisis de son roman et a chanté, lors d’intermèdes musicaux qui ont permis de ménager des changements de rythme intéressants.

Reprenant tantôt Elvis (It’s now or never), tantôt ses propres morceaux (Whatever the weather, Dark Side…), tantôt seul, tantôt accompagné de la délicieuse Carmen Maria Vega.

Je réalise à l’instant que j’ai évoqué un joueur de thérémine mais je me dois de préciser que, suite à un contretemps d’ordre technique, le musicien a été privé de son instrument.

Ne va pas penser pour autant qu’il est resté inutile car il a mimé le son de la thérémine vocalement et a participé aux nombreux morceaux sifflés. Ingénieux recyclage.

En arrivant sur la scène de la chapelle Fromentin, à 11h30,  Mathias salue d’un étonnant « bonsoir »  qu’il explique aussitôt : « Je crois bien que je n’ai jamais joué si tard… D’ailleurs il est tellement tard que c’est presque tôt » lance t’il dans un sourire.

Malgré l’heure avancée, Mathias Malzieu semble comme toujours déborder d’énergie et va jusqu’à se lancer, après quelques cascades – à base de sauts périlleux en espace restreint – dans un slam improvisé du public de la chapelle, en compagnie de la jolie Carmen Maria Vega. Public qui en reste coi mais récompense sa périlleuse ascension par un tonnerre d’applaudissements. Mathias expliquera simplement « Quand on a la chance d’avoir fait 5 ans d’affilée Saint Jean d’Acre, il y a des réflexes qui restent »… Héhé.

Il a beau être le lecteur principal lors de cet événement, Mathias hier a été rejoint par trois jolies jeunes femmes qui ont lu chacune leur tour des définitions issues du lexique du « plus petit baiser jamais recensé », ponctuant leur passage de quelques farces entrainant irrémédiablement le sourire (pense rembourrage de soutien-gorge et petits mouchoirs, et tu auras une idée de ce que je tente d’évoquer ici).

Ayant toujours à cœur de faire intervenir le public dans ses performances, il a demandé à une spectatrice de mimer un orgasme puis, à l’ensemble de la salle. Je te laisse imaginer le côté décalé de l’instant, compte-tenu de l’endroit… Mathias Malzieu concluera d’ailleurs son concert par ces mots « J’ai réalisé le fantasme de tout artiste présent sur le festival : faire jouir les Francofolies, dans une chapelle ».

Bien entendu, cette lecture-concert s’est achevée par une dégustation des fameux chocolats : il les a d’abord fait goûter à chacune de ses partenaires de scène, déclenchant chez Victorine un « rigolasme », crise de fou rire associée à un orgasme gustatif (« effet secondaire très courant chez les blondes » précise-t’il, l’œil qui frise).

Puis  Mathias est allé dans le public chercher quelques jeunes femmes et un jeune homme qu’il a invités à le rejoindre sur scène pour effectuer une dégustation publique.  J’étais dans l’équipe, improbable moment crois-moi, jambes qui flageolent de se retrouver devant le public de la chapelle et émoi tout simple d’être là et de participer à la fête.

On retiendra de ce spectacle la poésie délicatement absurde du roman de Mathias, ses interventions délicieuses (il faut savoir que cet homme parle comme il écrit), sa folie douce quand il s’agit de faire bouger le public, ses fulgurances bondissantes et la beauté de cette  histoire d’amour contrarié, le joli parcours du naufragé de l’amour qui cherche à s’accrocher à une bouée drôlement bien roulée, relaté dans « le plus petit baiser jamais recensé »…

 

Auden

La folk en français existe. Sisi, je vous jure. Il y a par exemple A.D (AuDen), artiste du chantier qui avait la lourde tâche d’ouvrir pour le beau briton Hugh Coltman. Il s’en est très bien sorti. Avec la mention très bien du jury.  A.D donc, c’est un rennais qui maitrise la langue de Molière comme peu de gens aujourd’hui, un sens du verbe et de la tournure parfaite, des textes qui collent parfaitement, au mot près, aux compositions toutes en arpèges délicats. Certes, ses chansons ne respirent pas la joie de vivre, ils sont empreints d’une douce mélancolie, de romantisme et de poésie. Mais comme disait Musset, les chants les plus douloureux sont les plus beaux… Et ceux d’Auden le sont vraiment

 

Hugh Coltman 

Elégance et mélancolie seraient les deux mots qui qualifieraient mieux la musique de Hugh Coltman, le plus français des anglais. Dans une formule trio, il défend sur scène son album paru l’année dernière. Comme à chaque fois qu’il ouvre la bouche, la magie opère. Interprétation touchante et sincère et une voix à faire fondre n’importe quel glaçon… Je  n’ai pas pu rester jusqu’au bout. Gros regret.

 

Lilly Wood And The Prick

On les a connus plus timides en live, les Lilly Wood and The Prick. Hier soir, sur la grande scène de Saint Jean d’Acre, ils ont joué les titres de leurs deux albums en se livrant à une jolie débauche d’énergie, arpentant en tous sens l’immense plateau de Saint Jean d’Acre. Vraisemblablement heureux de retrouver le public rochelais, Nili et Benjamin, entourés de leurs musiciens, ont assuré un set d’ouverture parfaitement ficelé. Chapeau bas.

(Mention spéciale au débardeur patriotique parfaitement raccord avec le calendrier que portait Nili) (C’était le point fashion) (Promis après j’arrête)

 

Super Pop Corn

Découverte express hier soir pour le public réuni au Patio des Francos grâce à un court showcase de Super Pop Corn.

Le duo électro-pop a fait danser (mal) l’espace pro (NDR : ceci fait référence au tube du groupe, « je danse mal » sur lequel Julien, le chanteur, a invité la foule a dansé n’importe comment. Autant te dire qu’avec Swann, on s’en est donné à cœur joie). Rendez-vous avec Super Pop Corn à 22h au Diane’s pour un « vrai » concert de ce groupe épatant issu de la sélection du chantier des Francos 2013.

 

Benjamin Biolay

C’était sa première fois à Benjamin. Son baptême de feu sur Saint Jean d’Acre et il ne s’est pas foiré. Au contraire, il a sans doute signé le meilleur concert de cette deuxième journée (ex-aequo avec Skip the Use, dans un autre registre). Sur la grande scène BB – appelons ainsi c’est plus rapide – débute son set avec « Sous le Lac Gelé » et enchaine directement avec « La Superbe », puis « La merco-benz ». Le chanteur construit intelligemment sa set-list (écrit d’ailleurs sur son avant-bras), alterne entre les anciens titres (« à l’Origine », « Dans Mon Dos ») et les nouveaux (« Marlène »,  « Aime Mon Amour ») et ose même la reprise, en l’occurrence « Clint Eastwood » (oui oui, de Gorillaz).

BB n’est pas venu tout seul, il avait quelques surprises pour nous : Orelsan est venu pour « Ne Regrette Rien », Jeanne Cherhal  pour le magnifique duo « Brandt Rhapsody », la dissection en live d’une relation amoureuse, de sa naissance à sa mort. Dernier invité surprise le beau Carl Barat (et la groupie des Libertines qui sommeille en moi, c’est soudain réveillée). Ensemble ils interprètent Vengeance, moins tendue que sur l’album, mais tout aussi sexy. En les regardant tous les deux sur scène on est frappé par leur ressemblance. Comme si on avait affaire à deux frères.

 

Saez

Saez est une figure particulière du paysage musical français. Chanteur à textes, engagé et contestataire, il ouvre son concert sur une lecture habitée. Les anarchitectures. Ambiance posée.

Effet de mise en scène étrange, il restera tout le temps derrière un pupitre qui jure un peu avec l’ambiance rock qu’il a souhaité instaurer sur scène.

Cela fait un long moment que je n’avais pas croisé sa route. Lui qui remarquera justement au cours du concert que le public a changé doit se rendre à l’évidence : il est ici question de torts partagés.

Il conserve la fougue qui a fait sa réputation.  Il faut reconnaître que lorsqu’il lâche ses mots il se passe quelque chose de fort, il fait mouche souvent, on se laisse toucher par l’intensité de son interprétation.

Ses monologues enragés font partie du spectacle (on retiendra son attaque contre le ministère de la culture « le ministère des merdes » (sic)), mais, pour l’avoir vraiment beaucoup aimé, je redoute qu’il ne devienne petit à petit la caricature de lui-même, poussant petit à petit à l’extrême les débordements qui ont jalonné sa carrière (je pense par exemple au visuel du dernier album ou à l’affiche de sa tournée).

Quand il fume tranquillement sa clope en sirotant un verre, assis à l’arrière de la scène, pendant qu’un de ses guitaristes assure le grand spectacle, il me tape sur les nerfs.

Je ne suis plus aussi sensible qu’avant à son travail. Est-ce lui qui a changé tant que ça ? Ou bien est-ce moi ? On revient au point abordé plus haut : ici encore, je crois que je suis obligée de constater qu’on a les torts partagés et de dresser ce triste constat : sa magie n’opère plus vraiment sur moi.

Il me reste la nostalgie des moments précédents partagés en sa compagnie.  Des heures d’écoute de ses chansons, magiques, mais son live désormais ne me déclenche plus de frissons.

Alors bien sûr ça reste un avis personnel et les fans venus se masser le long des barrières, dont le corps était couvert d’inscriptions à la gloire de l’artiste, l’ont eu, eux, le grand frisson et ont hurlé leur joie d’un bout à l’autre du concert.

J’espère que je pourrais à nouveau partager ça avec eux un de ces jours prochains. Car j’y retournerai. J’ai vécu trop de jolis moments grâce à ce fougueux écorché pour rester sur une déception. A une prochaine, donc.

 

Skip The Use

Quand Mat Bastard et son équipe débarquent sur une scène de festival, c’est pour la mettre à sac, façon grande piraterie musicale.

« Est ce que vous êtes prêts à vous mettre à l’envers ce soir, est ce que vous êtes prêts à faire des choses que vous regretterez demain ? »  Le « Ouiiiiiiiii » du public qui a suivi cette question, lancée par Mat Bastard au public de Saint Jean d’Acre hier soir, en disait long sur ce qui allait arriver.

Après le traditionnel (et somptueux) feu d’artifice de La Rochelle lancé entre le concert de Saez et celui des STU (où j’ai pu admirer des petits cœurs et des smileys formés d’étoiles colorées, on n’arrête pas le progrès), les Skip The Use sont venus coller des étoiles plein les yeux des spectateurs.

Il y a eu des cris, de la sueur et beaucoup de bonne humeur. Mat a fait danser le public, Mat a apostrophé le public, Mat a bondi dans tous les sens et a su mettre une ambiance de folie pour achever cette troisième journée de festival.

Semblant littéralement monté sur ressorts et faisant preuve d’une énergie hors-norme, le frontman de STU a fait le show, invitant Orelsan à le rejoindre sur scène pour un duo éphémère.

« On pensait ne pas être un groupe pour les Francofolies, on avait tort ». Exactement !

 

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