Les 5 bons conseils pour ne pas complètement foirer son interview

Le prix

L’interview est un passage obligé pour tous les groupes qui souhaitent se faire (re)connaître, mais c’est aussi parfois un exercice compliqué pour ceux qui préfèrent chanter que parler ; auquel cas le jeu du question-réponse peut s’avérer aussi agréable qu’un passage chez le dentiste.

Que vous fassiez parti des prochains finalistes du Prix Ricard S.A Live Music – interview obligatoire pour tous les groupes – ou que vous souhaitiez simplement passer maître dans l’art de la conversation promotionnelle, voici un mode d’emploi pour concurrencer Kanye West au jeu du retournement de journaliste.


RACONTEZ UNE HISTOIRE ORIGINALE


On ne compte plus le nombre de groupes débutants pour qui les premières interviews sont l’occasion de raconter une histoire hélas déjà mille fois entendue par le journaliste un peu blasé (c’est souvent un pléonasme, d’ailleurs). Il est souvent question d’un garage familial transformé en studio, de potes ayant décidé de former un groupe au fond de l’amphi à la fac en matant une vidéo Youtube de Glass Animals/Metallica/Foals/PNL (rayez la mention inutile) et de « l’envie de jouer ses chansons sans trop se prendre la tête ». Aussi authentique soit cette histoire, et même si un jeune groupe a forcément moins d’anecdotes à raconter que les Rolling Stones (350 ans à eux quatre), gardez bien en tête que le journaliste – cet enfoiré – aime bien être surpris. La première question de toute interview étant dans 87% des cas « comment vous êtes-vous rencontrés ? », n’hésitez donc pas à rebondir grâce à des réponses surprenantes comme :

  • Sur un forum dédié aux maladies vénériennes
  • Dans une secte où vous assuriez les interludes musicaux

On rigole, on rigole, mais il est de votre devoir de vous démarquer des autres groupes qui, on s’en doute, n’auront pas lu ce tutoriel. On peut certes déplorer qu’il faille trouver une histoire originale à raconter pour séduire votre interlocuteur à dictaphone, mais la majorité d’entre eux se contentant souvent (hélas) de lire la biographie et d’écouter les deux premiers morceaux de votre EP, c’est à vous de l’embarquer dans un monde qu’il ne connaît pas encore.


TROUVER LA « CATCH PHRASE »


C’est bien connu, notre ami le journaliste musical aime bien la citation-clic façon New Musical Express ; celle qui lui assurera le buzz sur les réseaux. Dites lui que le batteur souffre de crises d’épilepsie, lui ne manquera pas de titrer qu’il sort tout juste de l’hôpital Pete Doherty. En clair, une interview ça se prépare. Sans dire qu’il faille préparer des fiches Bristol avec des « éléments de langage », réunissez-vous au préalable dans la war room (à l’arrière du van, donc) pour réfléchir aux choses importantes que vous souhaitez déclarer en tant que groupe. Quels messages souhaitez-vous faire passer au journaliste, et donc au public ? Et comment résumer votre intention et ambition en une phrase tsunami ? Pas la peine d’engager un publicitaire, contentez-vous d’y réfléchir à l’avance plutôt que de subir un bégaiement en direct.


UN PEU DE MEDIA TRAINING, AUSSI


En tant que groupe, vous avez certainement usé les studios de répétition pour, comme leur nom l’indique, répéter. On vous le redit, une interview peut-être un combat. Et pour gagner, autant bien se préparer. Ce qui signifie faire un peu de « media training » avec votre manager pour vous assurer que chacune de vos réponses ne dure pas plus de 10 minutes (le journaliste ne déteste rien de plus que de dérusher des interviews qui durent deux heures, et c’est vrai que c’est pénible). Idem si l’interview est filmée, auquel cas il vous faudra également passer sur la table pour analyser chirurgicalement tout vos tics de langage inconscients (« ouais », « euh », « en fait », « trop pas », etc) qui donneraient à vos futures interviews l’air de sortir d’un bêtisier des Anges de la téléréalité.


ET ACCORDEZ VOS VIOLONS (ET ÇA FONCTIONNE AUSSI SI VOUS N’EN JOUEZ PAS)


Spoiler alert : une interview où les huit membres du groupe parlent en même temps à un journaliste pris dans l’eau du dolby surround, ça donne dans 98% des cas une… mauvaise interview. Et ça ne sert personne, ni vous, ni le média, et encore moins le public.  Un bon exercice promo (et pour l’égo aussi) consiste à commencer par identifier le leader médiatique au sein du groupe : et contrairement aux idées reçues, ce n’est pas forcément celui qui compose tous les chansons. Autre piège à éviter : faire tout l’inverse et laisser le leader déblatérer son délire narcissique sans jamais donner la parole aux autres membres pots-de-fleur qui finissent par se fondre dans la tapisserie. Une bonne interview, celle qui donnera à celui qui pose les questions de se déchirer dans son papier, c’est celle où chacun des membres trouve équitablement sa place ; un peu comme sur scène en fait, quand la section rythmique ronronne.


JOUE LÀ COMME M.I.A.


Si après tous ces conseils vous avez encore des doutes sur l’honnêteté de votre interlocuteur, ou sur sa capacité à retranscrire fidèlement vos propos, ne vous reste plus alors qu’à utiliser la technique guérilla inventée par la plus militaire des artistes : M.I.A. Fatiguée que les journalistes américains déforment ses réponses, la chanteuse s’est déjà amusée à elle-même enregistrer les interviews qu’elle accordait, comme en 2010 avec Lynn Hirschberg du New York Times, qui découvrit que M.I.A avait tweeté la bande audio de leur rencontre pour remettre les pendules à leur place sur certaines réponses tronquées. Technique de l’arroseur arrosé ? Afin d’éviter d’en arriver à cette solution un peu extrême (et pas très constructive sur le long terme), relisez bien les quatre points précédents et faites de l’interview, non pas un sacerdoce, mais une récréation. Et puis c’est toujours agréable de parler de soi, non ?

À propos de l'auteur :
Bester

Fondateur et rédacteur en chef du site et magazine Gonzaï, Thomas (aka Bester) dirige également Jack, la plateforme musicale de Canal Plus. Il est l’un des membres historiques du jury du Prix Société Pernod Ricard France Live Music et écrit régulièrement sur le site pour dispenser des bons (et quelquefois mauvais) conseils aux groupes qui voudraient faire carrière.

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