Le premier album de Charlotte&Magon : une des très belles surprises de ce début d’année

Chronique

Finaliste du Prix Société Ricard Live Music 2018, Charlotte&Magon sort, après deux EP (Egg Dance et Power In), son premier album. Le duo Franco-Israélien y déploie une pop ambitieuse et moderne, qui fait mouche à quasiment chaque titre. Ecoute et découverte !

Lyrical Miracle s’ouvre sur « Always A Secret », une chanson intriguante, permettant de sauter à pied joint dans l’univers fantasque de Charlotte&Magon, le groupe y dévoilant d’entrée de jeu tout ce qui fait son charme : les entrelacements de voix, les envolés lyriques qui savent rester pop, les rythmiques psychédéliques, et les changements de tons mélodiques, nombreux et riches, au sein d’une chanson de seulement trois minutes.

Avec un tel début, contenant assez d’idées pour tenir tout un disque, on pourrait croire que le programme de Lyrical Miracle en restera là. Il n’en sera rien, l’album ne cessant par la suite de multiplier les fausses et vraies pistes, pour construire une musique aussi généreuse que complexe. C’est un disque qui regorge de riffs cool, joués à la guitare ou à la basse. De « Shaping And Reshapin » à « Something Good », c’est une succession de chansons prenantes et enthousiasmantes, au sein d’un disque qui ne cessent de se réinventer. Que dire des influences du groupe ? Elles semblent si multiples qu’il est difficile de les isoler : indie pop, glam rock, pop psychédelique, post punk, voire punk popisant sur « Yes I Am », Charlotte&Magon est une éponge, qui absorbe et digère tout sur son passage.

Il faut bien comprendre combien tout est possible ici. Combien des incursions jazz, ou l’arrivée de cuivre, comme sur « Over My Head » peuvent se produire sans jamais créer de ruptures. Charlotte&Magon semble savoir tout faire. Il faut noter ici que le groupe enregistre ses chansons dans son propre studio, que Magon réalise leur clip, et que Charlotte y conçoit ses propres chorégraphies. Le groupe se veut à la lisière entre une nécessité de contrôle absolue et le besoin rassurant d’être en mesure d’avancer tout seul, sans l’aide de personne.

Au-delà de sa richesse instrumentale, le disque est une ode à la voix de Charlotte. « Zie Got Hir Own Style » se veut une déclaration d’intention, où Charlotte fait justement la démonstration de son propre style, d’un chant puissant et émotionnel qui s’inscrit dans le même registre que Kate Bush, voire Björk, sans jamais leur ressembler. Là est la force de Charlotte&Magon : une voix magnifique, qui peut alternativement pousser l’auditeur dans ses retranchements, ou au contraire s’envelopper d’une tonalité pop, pour toucher droit au cœur, dès la première écoute, comme c’est le cas sur « I Don’t Wanna Go », une sucrerie radiophonique qui n’est pas sans rappeler No Doubt.

On ressort de l’album vidé, mais heureux, encore étonné qu’un disque si foutraque (dans le bon sens du terme) puisse posséder une telle identité. Lorsque l’on écoute deux titres très opposés au sein de l’album – la balade vaporeuse « The Garden » et par exemple « Shaping And Reshaping » – l’on pourrait aisément croire qu’il s’agit de deux groupes différents. L’impression d’unité qui se dégage de l’ensemble quand on écoute Lyrical Miracle d’une traite, n’en est alors que plus impressionnante. Assurément un des très beaux disques de ce début d’année.

On vous laisse avec la session que nous avons tournée avec eux dans le cadre du Prix.

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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