J’IRAI FILMER CHEZ VOUS : A RAINMAKER (JOUR 8)

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C’est l’histoire d’un groupe français qui s’apprête à jouer un morceau dans un hangar désaffecté d’Ivry et qui préfère se projeter sur un grand mur blanc plutôt que de montrer son visage. C’est un jeudi soir pas comme les autres, c’est une histoire sans Fauve à l’intérieur, c’est une soirée avec les parisiens de A Rainmaker, qui pour paraphraser la poétesse Cindy Sander, nous ont confectionné des papillons de lumière.

Avant toute chose, ne pas croire que chez Ricard S.A. Live on est du genre à se réveiller à l’aube, caméra dans une main et une brosse à dent dans l’autre, pour partir à jeun capter les 15 finalistes du prix. Ce soir, la « matinée » a débuté à 22H30. Inscrit sur le planning : session avec A Rainmaker à quelques kilomètres de Paris.
A l’heure où la France regarde le téléfilm de deuxième partie de soirée, on consulte donc les fiches bristol pour faire le point : le groupe s’est formé en 2011 et a publié un premier EP nommé « Rwenzori » (mai 2013) riche « comme une forêt tropicale » dixit la presse ; certainement en référence au fait que A Rainmaker se traduit par « faiseurs de pluie » en Français – au cas où vous auriez arrêté l’école à 12 ans ou appris l’Anglais en braille. Tout cela est certes très joli, mais on n’est pas vraiment avancé.

Rouler dans Ivry à 22H30 en hiver, c’est l’assurance d’une ambiance wild wild west période Sergio Leone. La botte de foin qui roule, les rues désertes, la crainte de voir débouler un Indien au coin de la rue pour vous détrousser, c’est bon vous y êtes ? Ben nous aussi. Arrivés devant un grand portail métallique, on flippe un peu – on n’a jamais dit qu’on était des cow-boys – et je conseille à mes acolytes de laisser tourner le moteur, juste au cas où. Quelqu’un vient nous ouvrir et nous invite à nous garer sur le parking. A 22H35, on ne sait toujours pas où l’on vient d’atterrir.
Le suspense s’arrête ici. Il s’agit en fait d’un centre pluri artistiques où A Rainmaker a élu domicile et où, semaine après semaine, le groupe peaufine ses chansons. D’ailleurs nous préviennent-ils, ce soir ils vont nous offrir une configuration inédite concoctée par un mystérieux gourou à chapeau de cow-boy passé expert dans la DJtalization, et qui leur a inventé un  kaléidoscope géant projetant et dédoublant leurs images sur un mur. Si les fans de Black Angels ont déjà pu découvrir ce système sur les récents concerts du groupe texan, la technique reste assez novatrice pour qu’on applaudisse des deux mains sans savoir encore rien vu. Ni entendu.


Alors que Rod perd la moitié de sa chevelure à tenter de sonoriser le grand espace et l’écho genre grand canyon, on apprend que A Rainmaker est un groupe en constante évolution qui tente le grand écart entre les Beatles et, euh, Steve Reich. D’autres contorsionnistes ont déjà essayé avant eux avant de finir aux urgences, mais ces fans de Phoenix ont l’air de bien maîtriser leur affaire. On se marre quelques secondes du fait que je considère les versaillais à peine plus charismatiques qu’une barquette de nouilles vendue chez Monoprix en tête de gondole, et puis les lumières s’éteignent. Le titre du morceau est du reste à l’image de la session : And the sun goes down. De l’ambiance western, on est subitement passé à la Factory warholienne. Le groupe fait des zig zag entre pop et hymnes tribaux ; sur l’écran leurs ombres dédoublées sont un ping pong formidable, à tel point qu’après 2 prises on ne sait plus trop où donner de la tête. En bon professionnel, Rod parvient à réussir l’exploit ultime d’être synchro à la seconde près sur la dernière note du morceau – cet homme est-il un robot ? – et le temps de reprendre nos esprits, il est déjà minuit. L’instant d’avant, on savait enfin où l’on était. Mais là tout de suite, plus vraiment. « Evidemment A Rainmaker c’est pour le coté incantation » confirme le groupe. Derrière eux continuent de bouger leurs corps rétroprojetés sur le mur ; ce soir le chamanisme est à la fête. C’était une première pour le groupe, on salue le tour de force.

Sur le chemin du retour, 00H30, notre chauffeur-patron Adrien, dit « le guide », n’a rien trouvé de mieux que de nous passer le rock hardcore d’un groupe nommé Raised Fist à fond dans les enceintes, histoire certainement de nous faire redescendre sur terre – ou vomir par dessus la portière, question de point de vue. Entre deux borborygmes scandés par un viking suédois à 130dB, mes deux compères poussent le vice jusqu’à – chose impensable – me faire apprécier un morceau de Phoenix (Love like a Sunset part I, extrait de « Wolfgang Amadeus Phoenix »). Un grand n’importe quoi, une fois de plus, qui prouve que l’histoire n’est jamais écrite à l’avance. Ce soir il n’a pas plu, mais on s’est tout de même pris une averse de bonnes notes sur la tête. Bien joué les Rainmaker.

(PLUS OU MOINS) TROIS QUESTIONS EXPRESS À RAINMAKER

Qu’espérez-vous du prix Ricard S.A Live Music ?  

A Rainmaker : C’est une occasion de dingue pour un groupe comme nous, la possibilité de jouer en live dans de bonnes conditions. On sent qu’il y a une marche qu’un prix comme le Ricard S.A. Live peut nous aider à monter, parce que vous vous rapprochez des groupes comme le notre. Et pour nous le vrai challenge c’est justement d’arriver à pouvoir évoluer un morceau sur scène, pas seulement appuyer sur PLAY et entendre la même chose tous les soirs.

Hormis vous (évidemment), quel groupe mérite le plus de gagner cette année ?

A Rainmaker : Pour nous il y a deux groupes qui se détachent, Poom et La Classe, de super musiciens…

Votre argument choc pour séduire le jury ?

A Rainmaker : On essaie d’absorber plein d’influences tout en faisant attention à ne pas s’enfermer là dedans ; on tente de trouver notre propre son sans faire du Foals, etc. C’est aussi pour ça qu’on préfère prendre notre temps, parce qu’on est perfectionniste. La pierre angulaire du groupe, c’est d’arriver à composer un morceau avec des arrangements très subtils, mais qui soit accessible à tous.

À propos de l'auteur :
Bester

Fondateur et rédacteur en chef du site et magazine Gonzaï, Thomas (aka Bester) dirige également Jack, la plateforme musicale de Canal Plus. Il est l’un des membres historiques du jury du Prix Société Pernod Ricard France Live Music et écrit régulièrement sur le site pour dispenser des bons (et quelquefois mauvais) conseils aux groupes qui voudraient faire carrière.

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