J’IRAI FILMER CHEZ VOUS : 38, Feuille D'AGLASKA (JOUR 14)

Nos concerts

A quelques heures de la fin de cette tournée des finalistes du prix, on ne s’attendait plus guère aux surprises. En vieux routiers, au propre comme au figuré, on pensait avoir tout vu, tout entendu et les deux derniers groupes à rencontrer n’allaient être qu’une formalité. Ca, c’était avant de rencontrer les jeunes musiciens de 38, feuille d’Aglaska. Si toi aussi tu veux en savoir plus sur la signification du nom de ce groupe des Yvelines, rendez-vous à la ligne juste en dessous.

On était blasé, c’était un lundi soir. On roulait depuis déjà 1 heure à la recherche d’une adresse paumée dans la savane du 78. Pour se fondre dans le décor, on écoutait Sous le signe du V du Klub des Loosers en hochant la tête comme des gangsters assujettis à l’ISF dans ce qui ressemblait à un village du sud en hiver, quelque part du côté d’Etang-la-ville. On a pourtant fini par trouver toutes les réponses à nos questions. Au bout d’une rue déserte et à côté d’un cabinet de dentiste, l’adresse ne payait pas de mine. Finalement, c’est le bruit des instruments qui a guidé nos pas – comme aurait dit Ophélie Winter. Dring dring, bienvenue chez les 38, feuille d’Aglaska. A l’extérieur du petit pavillon, on découvre un lit planté sur le parking. Jusque là, presque rien d’anormal.
Parce qu’en deux semaines on en a déjà vu d’autres, on sonne sans trop prêter attention. L’un des membres vient nous ouvrir, tout sourire, et nous invite à entrer. Dans le couloir, un amoncellement de trucs qui barrent l’entrée ; une table basse avec des disques dessus, dont le dernier Daft Punk ; bref c’est bouché. Sur la gauche, une chambre où le groupe au complet nous attend. Et là, surprise.

Dans une autre vie la chambre faisait office de chambre, mais c’était finalement trop conventionnel. Ce soir, et rien que pour nous, les membres de 38, feuille d’Aglaska ont décidé de tout vider le temps d’une session pour recouvrir la pièce de… papier bulle. Du sol au plafond, partout : du papier bulle. Et les instruments posés dessus, prêts à être utilisés par nos quatre garçons en chaussettes. Pour être original, bravo les mecs, on est scotchés. Mais pourquoi du papier bulle ? « Parce que comme ça on a l’impression qu’on est sous la glace » répond le groupe. Très bien, et après tout pourquoi pas. Du papier bulle donc. Qui fait CRAC PLIC CRAC PLOC quand on marche dessus. Pourtant habitué aux conditions extrêmes, Rod s’arrache les cheveux : comment faire pour filmer le groupe sans bouger, comment bouger sans faire le bruit d’un bouton d’acné percé avec ses chaussures ? « Ca nous a pris 4 heures à installer » confie le pianiste, « enfin surtout à moi car les autres m’ont lâché ». Le groupe se marre, nous aussi. Et c’est que le début.

38, feuille d’Aglaska, on l’apprendra après la session, est un groupe sans leader. « Un peu comme les Beatles ». Ah non, là c’est tout l’inverse ils en avaient deux. « Bon ben alors on a 4 leaders ». Bah non plus, si tout le monde est leader, plus personne ne l’est. « Et si y’a trois leaders, et que lui [le groupe pointe le batteur] c’est pas un leader ? ». Rires. Ca commence fort. Un peu plus sérieusement – mais pas trop non plus – 38, feuille d’Aglaska c’est un peu comme l’Agence Tous Risques ; chacun semble posséder sa spécialité, son petit talent singulier qui nourrit le collectif : il y a celui qui maitrise les photos et le design, celui qui joue le rôle de l’attaché de presse, celui qui répond aux interviews et celui qui est leader de, euh, sa batterie. Re-rires. « Au départ, on voulait faire le groupe le plus nul du monde » rajoute en rigolant l’un des membres, « comme Arcade Fire ». Pas facile de démêler le vrai du faux dans cette interview ; on se croirait dans un épisode de l’émission Strip Tease tourné à Versailles, avec Benoit Poelvoorde dans le rôle du sosie de Thomas Mars.

Le nom du groupe, il faut le dire, n’est pas vraiment commun ; et pas la peine de chercher dans le dico, Aglaska, c’est un mot qui n’existe pas. « En gros, ça veut rien dire ». Face au mystère qui plane, et comme le groupe refuse d’en dire plus, je me lance dans une interprétation capillotractée, sans trop y croire : selon moi Aglaska symboliserait le coté polaire – gla gla, Alaska… vous suivez ? – du groupe pop. Et le pire, c’est que les quatre hochent silencieusement la tête, bingo. Et puis finalement, botte en touche : « Mais non les mecs, 38, on avait dit que c’était à cause de la température du bain qu’on prend ensemble… » dit l’un des membres. Okay, temps mort, besoin d’un arrêt sur image : nous voilà donc un lundi soir dans les Yvelines face à un groupe qui a passé 4 heures à papier-buller une chambre et qui a choisit son nom parce que les musiciens, entre deux répets, disent prendre des bains collectifs à 38°. Vraiment cette interview, c’est du pain béni de journaliste, le genre de truc qu’on peut parfois attendre toute sa vie sans jamais l’avoir. Et puis là soudain, 38, feuille d’Aglaska. Merci Seigneur, d’avoir entendu mes prières.

Formé voilà 4 ans et vraiment actif depuis 1 petite année, le groupe a conservé de ses années lycée l’humour absurde – leur page Facebook annonce que Nikos Aliagas serait le directeur général de cette petite entreprise – et quelques références musicales, de Late of the Pier à Wu Lyf. Le morceau qu’ils jouent ce soir pour nous s’appelle Wild ice et on y retrouve tout ce qui est sensé faire le « son Aglaska », un mélange chaud-froid chanté avec innocence et légèreté ; et puis le refrain est accrocheur.
Abasourdis par cette soirée paranormale, nous quittons Etang-la-ville sans proposer d’aider à enlever le papier bulle. Faut dire qu’on ne s’attendait pas à telle soirée dans la petite ville endormie des Yvelines. Sur le chemin du retour, pour contre balancer, on regarde un best-of des meilleurs clashs de rappeurs – notamment celui resté célèbre entre MC Jean Gab’1 et Rohff –  sur le petit écran Youtube. Il est bientôt minuit et décidément non, même le lundi soir, la vie n’est jamais un long fleuve tranquille…

(PLUS OU MOINS) TROIS QUESTIONS EXPRESS À 38, Feuille d’AGLASKA

Qu’espérez-vous du prix Ricard S.A. Live 2014 ?

38, feuille d’Aglaska : L’année dernière on avait déjà un peu suivi le développement de Colours in the Street [les gagnants du prix en 2013] et c’est un tremplin carrément exceptionnel. Face à des groupes comme Birdy Hunt – avec qui on a déjà joué à Lille –  on est surpris d’avoir été sélectionnés parmi les finalistes. Du coup c’est encore plus motivant et ça nous donne encore plus envie de gagner, parce qu’enchainer des concerts, gagner en notoriété, ce serait incroyable.

Et hormis vous (évidemment), quel groupe mérite le plus de gagner cette année ?

38, feuille d’Aglaska : Rainmaker et les Colt Silvers.

Votre argument choc pour séduire le jury ?

38, feuille d’Aglaska : Parce qu’on en a besoin ! Les autres [groupes] ils ont déjà 2000 like sur leurs pages Facebook, leur notoriété est faite ! Nous c’est clair, dès qu’on arrive là on se sépare, ah ah ah !

À propos de l'auteur :
Bester

Fondateur et rédacteur en chef du site et magazine Gonzaï, Thomas (aka Bester) dirige également Jack, la plateforme musicale de Canal Plus. Il est l’un des membres historiques du jury du Prix Société Pernod Ricard France Live Music et écrit régulièrement sur le site pour dispenser des bons (et quelquefois mauvais) conseils aux groupes qui voudraient faire carrière.

Voir ses articles

En savoir plus sur Aglaska :