De la variété française qui sonne comme de la pop anglaise, Bordeaux sous la flotte façon fin du monde et d’étonnantes discussions sur le street fishing… il était écrit que notre septième journée sur la route démonterait tous les clichés. Et ça tombe bien, puisque c’est le nom du groupe à l’honneur dans le reportage du jour.

Alors que le jour se lève sur la ville d’Alain Juppé, tout le monde se couche pour la meilleure punchline du jour. Il est à peine midi, les yeux sont encore un peu collés mais l’équipe du Prix est déjà d’attaque pour une tentative de podium fictif. Après 7 jours sur la route et autant de groupes sessionnés, deux clans se dessinent : les groupes dont on a retenu les mélodies – et dont on siffle les morceaux dans le van à s’en faire crever le cervelet – et puis les autres.

Cliché par Rod Maurice pour Ricard S.A. Live Music
Cliché de Cliché

Une tournée du Prix Ricard S.A. Live Music, c’est aussi la vie en communauté. Et donc un peu, avouons-le, la routine. Aussi ne s’étonne-t-on plus que Rod Maurice ait profité de la matinée pour sillonner tout Bordeaux à la recherche de – je vous le donne en mille – de vieux jeux vidéos 8bits aux graphismes plus rudimentaires qu’un autoportrait de Gilbert Montagné. En le voyant débarquer trempé à l’hôtel après deux heures de chasse, la pêche semble avoir été bonne pour le Maurice : 3 sacs pleins à craquer de vieilles babioles dont – là c’est le pompon – des démos de jeux PS2 vendus avec des magazines d’époque. « C’est collector ! » se justifie-t-il. On secoue mollement la tête, un peu dépités. Et puis la discussion du midi, sans qu’on sache pourquoi, dérive sur une autre passion incongrue : le street fishing de Romain, notre ingé son. Le concept : pêcher en ville. Il adore ça, c’est son hobby hebdomadaire. Rod renchérit sur le fait que son père a déjà pêché un silure (une espèce de poisson increvable) de 2 mètres, et ainsi de suite. On résume : des jeux vidéos, une canne à pêche… allo, y’aurait-il un rockeur dans l’avion ? Si comme moi vous trouvez cette discussion inintéressante, ne zappez pas, on se retrouve tout de suite après le jingle pub.

La session du jour est prévue dans le centre ville, avec Cliché, un groupe qui a déjà bien roulé sa bosse et dont les membres ont la trentaine. La musique, ils l’ont commencé à deux dès la fin des années 90 sur un vieux 4-pistes avec des posters de groupes comme Beck ou les Pixies accrochés dans le studio. Mais alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que les Bordelais tentent – en vain – de rivaliser avec leurs idoles, eux ont préféré opter en 2013 pour la variété française. La belle, hein, pas celle de Benabar avec parfum saucisse merguez. L’ancêtre du groupe Cliché se nommait LZC (pour Le Zéro Contrainte) et quelque part, on les remercie pour ce changement de nom.

Maintenant qu’on a tiré le portrait de Cliché (Lolissimo), le groupe nous accueille dans une cave bordelaise (une tradition locale) où ils ont installé un studio de répétition autant humide qu’enfumé. Dehors il pleut de la neige fondue, nous arrivons liquides. Et nous voici plongés sous les voutes pour une poignée d’heures pour capter leur mini-tube, un morceau nommé Helicon. C’est quoi le but de Cliché, en tant que groupe ? Que leur musique soit entendue par un maximum de gens, et si possible avec un single à la radio. D’ailleurs c’est déjà le cas, puisque Dédé Manoukian leur a récemment consacré une chronique délirante où l’ex juré de La Nouvelle Star réussissait l’exploit de parler de stupéfiants, de bouche dorée (car l’hélicon est aussi un instrument de musique) et de mythologie grecque (le Mont Helicon est l’endroit où vivaient les muses). Bon, on n’a pas tout compris aux délires à Dédé, mais les gars de Cliché ont le vent en poupe.

Photo: Rod Maurice
Photo: Rod Maurice

Comme Banquise – avec qui ils sont potes – il se démarquent de la scène rock bordelaise par des titres plus pop que rock, plus aériens que telluriques pour reprendre le jargon de Rock & Folk, et ce sans tomber dans la niaiserie. Dès l’entame du morceau Helicon, on entend autant les arpèges de Jeff Buckley que les mélodies déviantes de Moodoid. Cela a beau être chanté en Français, on a l’impression d’entendre autre chose…. Est-ce l’appel des sirènes… D’alarme ? A l’œil ? Après trois heures passées en sous-sol dans le brouillard de la nicotine, on remonte à la surface un peu soulagés, et pas seulement parce que la rencontre avec Cliché valait le coup. On a les yeux rouges, les pieds mouillés, ça sent déjà la fin de journée pour les corps usés mais…

Mais non ! Question : qu’est-ce qu’on fait quand on a terminé une session ? On reprend la route pour une autre session, pardi ! 300km plus loin, c’est Toulouse qui nous attend et avec elle le trio de I Me Mine avec qui nous avons rendez-vous le lendemain. Difficile de vous raconter le voyage à bord du van, j’ai chopé la grippe en cours de route – la flotte, les pieds mouillés, toussa… – et mes souvenirs sont assez flous. Je crois qu’il était encore question de pêche au gros, de blagues sur les poneys sexués et d’autres trucs que j’ai heureusement oublié. Le dernier cliché dont je me souvienne sur la soirée d’hier, c’est une plâtrée de frites à volonté dans un resto toulousain où même les murs semblaient transpirer le gras. Après ce coma nutritif à 4000 calories par personne, je me suis évanoui sur un lit d’hôtel. Nous verrons bien si la célèbre ville (g)ros(s)e est plus clémente au réveil…


Trois questions à Cliché


Qu’attendez-vous du prix Ricard S.A. Live 2014 ?

Le groupe : Des moyens pour terminer les morceaux inédits qu’on a en stock (et on a plein les tiroirs). Et aussi du live pour travailler la dimension scénique, sans oublier le studio avec un producteur qui puisse travailler sur nos chansons. Pourquoi pas Nigel Godrich (artisan du son Radiohead, NDR), ou Alf, le producteur de La Femme et Sébastien Tellier.

Admettons que demain – pas de bol – vous vous séparez et arrêtez votre groupe, pour quel autre voteriez-vous parmi la liste des dix finalistes ?

Le groupe (sans hésitation) : Parc, pas seulement parce qu’ils chantent en Français, mais aussi pour la manière qu’ils ont d’écrire leurs morceaux. Aujourd’hui la plupart des groupes ont honte d’avouer qu’ils font de la variété et préfèrent parler de « pop française », mais non c’est de la variété !

Sans modestie mal placée, est-ce votre argument choc pour séduire le jury ?

Le groupe : L’adéquation son-texte chez Cliché, c’est fondamental. Le texte donne des directives par rapport à l’univers musical, et vice versa. Il nous arrive parfois de jouer à deux sur scène, avec quasi rien. Le but du jeu dans ces versions dépouillées, c’est que ces chansons tiennent debout toutes seules. Et puis on essaye de ne pas proposer la même chanson décliner à l’infini, un concert où l’on entend 10 fois le même titre, c’est saoulant !