Une tournée des finalistes du Prix Ricard S.A. Live Music, c’est toujours un peu comme un bonbon Kinder : à chaque jour sa surprise. Celle de cette quatrième journée est de taille. Bloum, groupe pop revendiquant des influences WTF telles Daft Punk, Mozart, Miles Davis ou Céline Dion, nous a donné rendez-vous sur un chantier perdu de la Courneuve pour un show son et lumière. Récit d’une soirée avec un sax, du RER et des… fourmis-zombies.

Ah, la Courneuve… Visiter son célèbre centre de thalasso, ses allées en fleurs, la joie de vivre des milliers de contribuables imposés sur la fortune… Evidemment, ça ne s’est pas vraiment passé comme ça. En débarquant dans une zone industrielle de cette célèbre ville du 9-3 (Seine Saint Denis style), toute la team RLM est aux aguets : Reverrons-nous nos femmes, nos enfants (et Rod, ses jeux vidéos) ? Et où peuvent bien se cacher les six membres du groupe Bloum, parmi tous ces préfabriqués couleur fin du monde façon Walking Dead ? Alors que le décor nous rappelle celui de la session avec les anciens finalistes de Rainmaker (captés dans un squat à Ivry en 2014) et que Rod Maurice n’a rien trouvé de mieux que de nous expliquer que « les fourmis-zombies ça existe déjà », le téléphone finit enfin par sonner : « on est derrière le portail à gauche, on vous ouvre ». Okay, on entre.

Photo : Rod Maurice
Bloum

Derrière le portail à gauche, bienvenue dans une maison faussement en ruines avec la bétonneuse qui coule à flots sur un chantier où planches, gravats et perceuses donnent au lieu un air de l’émission Tous Ensemble [1] de TF1. Alors qu’on s’attend à voir débarquer le présentateur Marc-Emmanuel de derrière un établis pour chanter en mode Patrick Truelle, le groupe nous explique que la bâtisse est une résidence artistique. Vu de l’extérieur, c’est dur à croire. A l’intérieur, c’est une grosse claque. Ambiance sous les pavés la plage en entrant dans un studio aménagé spécialement par le groupe pour la session : néons lumineux, projections sur le mur et baie vitrée avec le RER en trame de fond. Et c’est avec cette vue imprenable sur l’urbanisme local, à cheval entre bitume et factory warholienne, que débute notre installation.

Nos fameux 50 kilos de matériel ! Photo : Rod Maurice
Nos fameux 50 kilos de matériel ! – Photo : Rod Maurice

Formé en 2012, le groupe Bloum a choisi son nom pour le côté onomatopée. Signés sur leur propre label (Animal Records), désireux d’associer – dixit leur manager – la musique au monde du fooding et capables d’enchainer sans fracture du sourcil gauche des artistes comme Maxime Le Forestier et Pink Floyd, Bloum a le profil parfait de l’artiste-entrepreneur. En interne, le concept de la Bloum c’est 6 musiciens (non pas de blague avec Sophie Marceau, merci) qui décident de tout ensemble, et dans lequel toutes les décisions se prennent à l’unanimité. Le choix du morceau pour cette session, visiblement, n’a pas été compliqué : ce sera Bells, un titre de leur prochain EP déjà enregistré, aux sonorités très prog-rock électronique, et construit comme un mille-feuilles harmonique avec synthés, guitare, machines, mais aussi.. des parties de flute et de sax. Si la vision de ce dernier instrument fait d’abord penser aux pires heures de Supertamp, Bells, dans ce décor atypique, passe comme une lettre à la poste. Trois prises plus loin, et sur fond de projections spacio-psychédéliques, on pense plus à Pink Floyd (ou Darkside) qu’à Le Forestier (ouf). Quant au résultat, il est à la hauteur des ambitions du groupe (proposer un aménagement scénique original). Le moins qu’on puisse dire, c’est que Bloum a plus d’une corde à son arc-en-ciel.

Photo : Rod Maurice
Photo : Rod Maurice

Au moment de reprendre la route, une dernière question permet de comprendre que le groupe est plus soudé que les boulons qui trainent au sol dans cette maison-atelier. Quand on leur fait remarquer que six musiciens sur scène ça fait tout de même pas mal de cachets à payer et qu’il faudrait peut-être voir à virer quelqu’un pour réussir (on se détend, c’est une blague), la réponse est unanime : « Si un jour un producteur vient nous voir et nous demande de dégager l’un des membres du groupe, la réponse sera claire : personne ne part. Même si on nous propose, euh, 3 millions d’euros ! ». Moue dubitative. Sérieusement, les mecs ? « Bon okay, on avoue, 300 € et ça se discute ! ».


Trois questions à Bloum


Qu’attendez-vous du prix Ricard S.A. Live 2014 ?

Le groupe : En live, Bloum pour nous c’est un projet assez ambitieux, avec l’envie d’accompagner notre pop avec des éclairages travaillés, des installations soignées. Tout cela nécessite un accompagnement de dingue, idem pour avoir un clip de qualité réalisé par des professionnels. Donc comme on se retrouve pour la première fois confronté à des limites logistiques, gagner le prix ce serait l’opportunité d’être bien entouré et conseillé. Et même sans parler de ça, c’est prestigieux comme prix ; les derniers vainqueurs en sont la preuve.

Admettons que demain – pas de bol – vous vous séparez et arrêtez votre groupe, pour quel autre voteriez-vous parmi la liste des dix finalistes ?

Le groupe : Il faut commencer par dire qu’on connaissait certains des anciens finalistes du concours, et que cela nous a motivé à nous inscrire. Notre préféré parmi les finalistes, c’est certainement Banquise.

Sans langue de bois ni modestie mal placée, quel est votre argument choc pour séduire le jury ?

Le groupe : La dynamique du groupe, et le fait qu’on laisse chaque membre apporter sa pierre à l’édifice. Comme on a 4 compositeurs dans le groupe ça pourrait être difficile à gérer, mais l’organisation du groupe, presque calquée sur le communisme quand on y pense, fait que l’on partage tout. Et que chacun dispose d’un véto formel en cas de désaccord.

[1] L’adaptation française des Maçons du cœur, pour ceux que ça intéresse.