Emily Loizeau – Mothers and Tygers

Chronique

Pays Sauvage, son précédent album abattait des frontières. Emily Loizeau était libre, trop libre diront certains. Avec Mothers and Tygers, elle revient vers un projet plus intimiste qui s’inscrit dans une tradition néo-folk et qui la voit radicaliser son univers tout en gommant les petits détails qui pouvaient autrefois agacer. Moins démonstrative, son chant se fait plus apaisé et plus touchant. On sent qu’à 37 ans, la jeune femme n’a plus rien à prouver et peut se focaliser sur ce qui compte pour elle.

En premier lieu, et c’est surement ce qui contribue le plus à sa qualité, Mothers and Tygers se présente comme un projet artistique cohérent du début à la fin où pour une fois l’alternance entre le chant en français et en anglais est un atout et non la preuve d’un éparpillement. Tout au long du disque, on sent l’impact de la famille, de ses ancêtres et de ses descendants, et la franco-britannique vogue entre les souvenirs d’hier et les espoirs de demain.

Enregistré à la campagne en Ardèche, Mothers and Tygers se fonde essentiellement sur des poèmes de Songs of Innocence and of Experience de William Blake. Certains sont chantés intégralement, d’autres sont adaptés ou servent juste de base, mais tous confèrent une gravité à l’album, une gravité qui paradoxalement dans la bouche d’Emily Lozeau devient légère. Car il s’agit aussi d’un album sur l’enfance et les chansons sont à mettre en perspective de sa récente maternité. Ainsi même lorsqu’elle parle de la mort sur Parce que mon rire a la couleur du vent, il y a un côté comptine qui transforme la faucheuse en amie.

Alors que le poète d’Alexis HK est claudiquant sur Le Dernier Présent, celui d’Emily Loizeau n’a ici pas de mot. Ces artistes subissent plus qu’il n’imposent. Ils manquent de conviction, ils doutent de tout et en deviennent beaucoup plus touchants. Ils restent souvent sans voix face à notre monde, ou comme ici face aux évènements en Syrie (la chanson Vole le Chagrin des Oiseaux ayant été inspirée par un reportage là-bas de la soeur d’Emily Loizeau).

Cette fameuse « mélancolie positive » on la retrouve un peu partout dans les jolies mélodies de Mothers and Tygers. Avec ses compagnons de scène et de studio (le batteur Cyril Avèque et le violoncelliste Olivier Koundouno), elle propose des chansons exigeantes, à la fois simples et complexes, qui la placent dans la lignée de Cat Power.

Emily Loizeau sera en concert les 22 et 23 Octobre au Café de la Danse.

 

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

Voir ses articles